Billet d'humeur - Avril 2014
Caroline Kilesse
Ce 9 avril dernier, lors d’une sortie au
restaurant en famille, j’ai fais une rencontre plutôt atypique. Il devait être
21h, nous avions décidé de finir notre repas en terrasse avec ma maman. C’est
là que nous sommes tombés sur trois hommes d’une vingtaine d’années. Nino, et
ses amis dont je ne me souviens pas du nom. Nino, lui, m’a profondément marqué.
La conversation démarre naturellement et
Nino se présente : « Je suis un ex-taulard tout juste sorti de
prison. Mais à part ça, je suis graphiste. » Mon intérêt pour l’art m’a
donné envie d’écouter la suite de son histoire. Il n’a pas voulu donner la
raison ni la durée de sa peine, il a préféré s’exprimer sur les conditions
déplorables de la prison ainsi que la vie après l’enfermement.
« Je suis pas un de ces artistes qui
peint pour gagner la thune, je suis graphiste de rue pour m’exprimer ».
Cette phrase a prit tout son sens quand il m’a expliqué qu’il était désormais
au chômage car il ne souhaitait pas rentrer dans le cliché de l’artiste
superficiel dont la principale motivation est l’argent. Nino, lui, s’en fiche
de gagner quoi que ce soit. Il a une famille et des amis qu’il appelle ses
frères pour l’aider. Nino est graphiste pour la liberté d’expression.
Tout au long de la conversation, Nino a
ressorti le mot « trahi » plusieurs fois. Malgré ses expériences dans
le passé, il veut croire en la nature humaine mais se sent profondément
désabusé, « trahi » par la système, sa famille, la justice et la
profession.
Sa façon de parler étant tellement touchante et convaincante,
j’ai voulu en savoir plus. Savoir pourquoi il se sentait aussi mal dans se
monde, aussi « trahi ». Nino est en faveur du respect, surtout depuis
qu’il est sorti de prison et qu’il a vu comment la société traitait les anciens
détenus. En prison, c’est pareil qu’à l’extérieur, disait-il. Les gardiens sont
les méchants qu’on n’enfermera jamais et la plupart des détenus sont les
citoyens abusés par les forces de l’ordre. La vie en sortant de prison lui
paraît bien pire qu’en étant enfermé. Il voit désormais les petites choses
négatives qui passaient inaperçues à ses yeux. Nino n’est pas juste en faveur
du respect, il est également antisystème et anti-conventionnel mais
profondément humain.
Issu d’une famille d’immigrés, quel est
l’intérêt pour des atypiques comme Nino de rester en Belgique ? Qui
pourtant pourrait apporter tellement au monde culturel belge. La conversation s’est
finie sur un échange de sourires. Nino m’a remercié de ne pas être partie en
courant en sachant qu’il était passé par la case prison. Cette rencontre fut
tellement enrichissante.