lundi 21 avril 2014

Rencontre avec un "ex-taulard"

Billet d'humeur - Avril 2014
Caroline Kilesse 


Ce 9 avril dernier, lors d’une sortie au restaurant en famille, j’ai fais une rencontre plutôt atypique. Il devait être 21h, nous avions décidé de finir notre repas en terrasse avec ma maman. C’est là que nous sommes tombés sur trois hommes d’une vingtaine d’années. Nino, et ses amis dont je ne me souviens pas du nom. Nino, lui, m’a profondément marqué.

La conversation démarre naturellement et Nino se présente : « Je suis un ex-taulard tout juste sorti de prison. Mais à part ça, je suis graphiste. » Mon intérêt pour l’art m’a donné envie d’écouter la suite de son histoire. Il n’a pas voulu donner la raison ni la durée de sa peine, il a préféré s’exprimer sur les conditions déplorables de la prison ainsi que la vie après l’enfermement.

« Je suis pas un de ces artistes qui peint pour gagner la thune, je suis graphiste de rue pour m’exprimer ». Cette phrase a prit tout son sens quand il m’a expliqué qu’il était désormais au chômage car il ne souhaitait pas rentrer dans le cliché de l’artiste superficiel dont la principale motivation est l’argent. Nino, lui, s’en fiche de gagner quoi que ce soit. Il a une famille et des amis qu’il appelle ses frères pour l’aider. Nino est graphiste pour la liberté d’expression.

Tout au long de la conversation, Nino a ressorti le mot « trahi » plusieurs fois. Malgré ses expériences dans le passé, il veut croire en la nature humaine mais se sent profondément désabusé, « trahi » par la système, sa famille, la justice et la profession.
Sa façon de parler étant tellement touchante et convaincante, j’ai voulu en savoir plus. Savoir pourquoi il se sentait aussi mal dans se monde, aussi « trahi ». Nino est en faveur du respect, surtout depuis qu’il est sorti de prison et qu’il a vu comment la société traitait les anciens détenus. En prison, c’est pareil qu’à l’extérieur, disait-il. Les gardiens sont les méchants qu’on n’enfermera jamais et la plupart des détenus sont les citoyens abusés par les forces de l’ordre. La vie en sortant de prison lui paraît bien pire qu’en étant enfermé. Il voit désormais les petites choses négatives qui passaient inaperçues à ses yeux. Nino n’est pas juste en faveur du respect, il est également antisystème et anti-conventionnel mais profondément humain.


Issu d’une famille d’immigrés, quel est l’intérêt pour des atypiques comme Nino de rester en Belgique ? Qui pourtant pourrait apporter tellement au monde culturel belge. La conversation s’est finie sur un échange de sourires. Nino m’a remercié de ne pas être partie en courant en sachant qu’il était passé par la case prison. Cette rencontre fut tellement enrichissante.